Du mouvement

« Le mouvement occupe le système nerveux plus que tout autre chose, parce que nous ne pouvons ni sentir, ni ressentir, ni penser sans un ensemble varié, complexe et élaboré d’actes initiés par le cerveau pour faire résister le corps à l’attraction de la gravité ; en même temps, nous devons savoir où nous sommes et dans quelle position, nous devons utiliser nos sens, nos sentiments et notre faculté de penser. »

Moshe Feldenkrais, Énergie et bien-être par le mouvement

Nos organes des sens assurent la saisie d’informations sur nous-mêmes et sur notre environnement. Mais ils remplissent leurs fonctions seulement portés par un corps mobile. En effet, ressentir, agir, percevoir, penser et parler sous-entendent une activité motrice réelle ou virtuelle. Pas de perception sans action, pas d’action sans mouvement. Par exemple, voir un objet c’est toujours anticiper le mouvement à faire pour le toucher : « Situer un objet, c’est simplement imaginer les mouvements qui seraient nécessaires pour l’atteindre » H. Poincaré.

La capacité de sentir son corps en mouvement se nomme proprioception ou kinesthésie. La proprioception est à l’origine des qualités de coordination et d’adresse. La proprioception est un sixième sens qui intègre tous les autres

De l’Homos Erectus

Pour maintenir une posture érigée, la proprioception informe notre cerveau de la position des différentes parties de notre corps entre elles. « C’est l’allongement inévitable des muscles antagonistes qui survient au cours des actions qui est responsable de l’émission des signaux proprioceptifs qui en décrivent la trajectoire et les paramètres cinématiques comme la direction ou la vitesse ». J-P Roll. La position des globes oculaires dans leur orbite, les propriétés de l’oreille interne contribuent elles aussi à la sensation de mouvement et à l’équilibre. Même la langue, les ligaments dentaires et les articulations temporo-mandibulaires, participent à la régulation posturale.

Du sentiment d’être soi

La proprioception soutenue par l’activité sensori-motrice est aussi la sensibilité qui permet d’éprouver son corps comme étant le sien. Le sentiment de soi et donc un sentiment de corporéité éprouvé grâce au mouvement durant l’action. L’existant s’incarne agissant avec l’environnement. C’est aussi au travers de l’action que se créer la sensation de durée, ce temps éprouvé qui nous façonne. Plus qu’un « sixième sens », la sensibilité proprioceptive pourrait être un sens premier indispensable à l’émergence de la conscience de soi en tant qu’être capable d’action. De sorte que nos actions, connues de nous, seraient à même de donner du sens à nos cinq autres sens dont elles déterminent la maturation fonctionnelle, l’exercice et la mise à jour. La Proprioception : un sens premier ? J.P Roll  (2003)

De l’anticipation et de la rétroaction

Il existe une activité proprioceptive anticipatoire en fonction du but. Par exemple, se préparer à soulever une valise estimée très lourde et qui s’avère légère, peut mener à une perte d’équilibre. Toute intention de mouvement modifie l’ensemble du schéma perceptif avant même qu’il n’y est eu la moindre contraction musculaire volontaire. On parle de pré-mouvement.

Cette activité anticipatoire est couplée avec un retour proprioceptif qui permet un ajustement au cours de l’action (boucles rétroactives ou feedback sensori-moteur). Le retour proprioceptif a un rôle d’information sur le déroulement du geste : finalement en soulevant la valise, une correction de votre posture permet d’éviter la chute (ou pas).