Du jeu : la répétition sans répétition
Des degrés de liberté
Il est démontré depuis longtemps que les plus grands sportifs et les meilleurs ouvriers ne reproduisent jamais exactement le même geste (The coordination and regulation of movement, Nikolai A.Bernstein, 1967). De même que l’apprentissage ne consiste pas à empiler des connaissances, l’apprentissage moteur ne se résume pas à l’acquisition d’une coordination spécifique. Processus non-linéaire, il se construit en fonction des exigences de l’environnement et des degrés de liberté de l’organisme.
Des variations et des contraintes
Non seulement, le corps « produit » des mouvements variables, mais aussi nous sommes construits pour produire et détecter des variations. Nos sens fonctionnent du fait des irrégularités de ce qu’ils perçoivent. Ainsi, nous ne répétons pas nos mouvements, mais ils ne sont pas non plus complètement aléatoires et variables. Ils sont façonnés par les contraintes de notre environnement, y compris notre culture. Les théories dynamiques invitent à voir la variabilité du mouvement comme la stratégie optimale de contrôle. Elles parlent de « répétition sans répétition ». C’est aujourd’hui la voie la plus prometteuse en terme d’entrainement, de rééducation et encore plus prometteuse pour le champs de l’apprentissage et de notre manière d’appréhender notre vie : une sorte d’écologie de l’esprit.
L’apprentissage vivant nécessite de réintroduire un environnement changeant
De tout cela, découle que forcer les apprenants à utiliser des patterns de mouvements stéréotypés, invariants, limite leur performance et surtout leur existence. Au contraire, démultiplier les variations et les contraintes de tâches permet de stimuler l’adaptation, la créativité et des transferts d’apprentissage. L’environnement est co-agissant avec nous. Retrouver la dynamique du jeu, notre mode d’apprentissage premier, est aussi source de joie.
Homo sociabilis – Homo Ludens
Notre motricité étant toujours liée directement ou non à une expérience émotionnelle, imposée par une relation à autrui, le jeu redirige non seulement l’attention sur l’environnement mais aussi sur l’altérité dont nous sommes faits. Le jeu est aussi ce qui nous permet de faire l’expérience du flow ou expérience optimale telle que décrite par Mihaly Csikszentmihalyi. L’expérience optimale est recherchée pour elle-même et non pour d’autres raisons que l’intense satisfaction qu’elle procure. Le problème surgit quand un individu est tellement obsédé par l’objectif qu’il cesse de trouver du plaisir, de la joie dans le présent. Retrouver la dynamique du jeu, notre mode d’apprentissage premier est aussi source de joie.